Sans un minimum de précautions de notre part, le monde dans lequel nous vivons fait peser sur chacun(e) d’entre nous de graves dangers : stress, baisse d’immunité, maladies, conditionnements extrêmes, manipulations, perte d’identité, pour n’en citer que quelques uns.
Notre monde fragmenté et en constante accélération représente un défi de très grande ampleur car il menace à court terme la survie de l’humanité, de son patrimoine et d’une large partie de la nature; serons-nous capables d’éviter un chaos violent et de trouver les pistes créatives d’un changement profond de paradigme, that is the question…
Je fais partie de celles et ceux qui gardent l’envie de vivre et de partager la vie avec le plus grand nombre, mais aussi les générations à venir et les autres règnes de la nature. Je pose alors qu’il est nécessaire de mettre notre attention sur un certain nombre de points, voire de bâtir une stratégie. Certains auteurs l’ont déjà fait, et je vous invite à lire leurs exposés concernant notamment la santé, domaine prépondérant (que je ne traiterai pas ici).
Je propose ici quelques réflexions qu’il me plaît de partager, à enrichir par qui le voudra. Ca fait 30 ans que je suis éditeur au service de ces prises de conscience et du changement, et 10 de plus d’engagement citoyen : ça sera ma « goutte de colibri » pour éteindre l’incendie !
Il s’agit de commencer le changement par nous-mêmes, sans attendre quoi que ce soit d’en haut, ni d’ailleurs, fut-ce d’une autre planète ! Nos élus ne nous donnent guère d’inspiration ces temps-ci, et ça fait des années que l’étude sociologique sur les « Créatifs culturels » a montré une prise de distance des citoyens par rapport aux institutions politiques et religieuses. Alors retroussons-nous les manches !
1/ Mettre en synergie nos différents niveaux d’être : découvrir, explorer, se familiariser avec toutes nos dimensions sans tabou, me semble indispensable, ne serait-ce que pour éviter certains pièges dans lesquels sont tombés par exemple les écologistes technocrates. Au contraire, c’est ce qu’a pratiqué avec succès par exemple Alastair MacIntosh, en Ecosse, en alliant toutes ces dimensions pour vaincre une cimenterie multinationale en même temps qu’un Lord anglais propriétaire d’une île entière (1).
Il me parait totalement illusoire de vouloir faire l’impasse sur, évacuer, refouler, des aspects de nous-même tels que la transcendance, la sexualité, les émotions, les relations sociales, au minimum. Au contraire, il me paraît impératif d’en faire l’inventaire, la critique, de les dépoussiérer, les rénover, de leur inventer de nouveaux rituels. Minimisons les querelles de termes, sachant que chacun a ses propres représentations, et que l’objectivité est un leurre, à mon avis.
Cela inclut un nécessaire rééquilibrage des valeurs féminines et masculines, et une réorientation de notre créativité productive vers une répartition plus équitable, moins gaspilleuse, plus sobre. Une approche globale de toutes ces questions me paraît incontournable.
2/ Nous mettre en mouvement : Yvonne Berge, une grande dame de la danse (2), disait que nous étions atteints du mal de « cul-plombite » tellement nous passions de temps assis sur des chaises. J’ai pu mesurer sur moi-même les dégâts d’avoir enduré cette brimade pendant mon temps d’école primaire. Au contraire, il me semble très sain de cultiver le mouvement, la danse, la sagesse du corps, le changement. « La seule chose qui ne change pas est le changement » : alors autant développer cette capacité, et ce depuis notre enfance ! Et pour l’intégrer, quoi de mieux que notre corps ?
3/ Ralentir : j’ai toujours dit que reprendre la main sur notre rythme de vie était un acte de forte résistance… En effet, pourquoi aller toujours plus vite, produire plus et plus vite, sinon pour engraisser ceux qui nous exploitent, et pour nous rapprocher plus vite de notre mort ?
Ralentir, c’est se poser, être capable de réfléchir à nouveau, faire la part de l’essentiel et de l’accessoire, ralentir la pollution et l’épuisement des ressources, accepter une limite, accepter le sens de la mesure, ô combien utile de nos jours… Prendre conscience.
Ralentir nous immunise un peu contre les manipulations, qu’elles soient de nos gouvernants ou des lobbies industriels.
4/ Cultiver la créativité, l’art, l’expression de soi : chacun dispose de talents, d’un génie propre, et c’est trop bête de le cacher ou de le laisser s’étioler parce que simplement une figure d’autorité nous a dit « qu’on était nul », ou parce qu’on n’entre pas dans les cadres de l’Education nationale ! Songez à la qualité magnifique et époustouflante qui se dégage d’un groupe humain après un jour ou deux de stage dans lequel sont réunies les conditions de confiance, de non-jugement, de soutien inconditionnel ! Alors tâchons de réunir aussi souvent que possible ces conditions, tant individuellement que collectivement : notre monde pourrait devenir un festival permanent ! Cela devrait être la mission de l’éducation, laquelle ne se limite pas au jeune âge : cultiver, sensibiliser, encourager, soutenir, accompagner l’éclosion de talents… C’est ainsi que je conçois mon œuvre d’éditeur. L’un des remparts les plus sûrs contre la barbarie.
Nourrir l’estime de soi, la confiance en soi et en les autres ; et naturellement se relier aux autres pour élaborer ensemble les règles de la société, ne pas le laisser aux mains des lobbies ni des professionnels de la politique.
5/ Accepter nos blessures intérieures, nos âmes cabossées, et travailler dessus. On a trop vu des personnalités de grande envergure chuter sur une faille refoulée, tel Icare…
Pour prendre la métaphore dite « du baquet en bois » en biologie, on ne peut pas remplir un baquet plus qu’au niveau de sa planche la plus courte. Donc travaillons nos dimensions faibles afin de trouver une intégration meilleure de tout notre être.
C’est l’apport précieux des thérapies, notamment psychocorporelles, de nous permettre ces plongées dans des eaux parfois nauséabondes pour les clarifier. Dans Le Seigneur des Anneaux, Fredon ne cède-t-il pas, tout à la fin, alors qu’il a accompli son très long périple, à la pulsion de posséder l’anneau et de le garder pour lui ? Je reste humble devant certains mystères qui me dépassent et simplement devant la complexité de la vie…
6/ Cultiver des images intérieures positives, des métaphores d’optimisme ! Sans faire l’autruche sur les dangers et les choses inacceptables, ne cédons pas à la sinistrose et au désespoir. Edgar Morin affirme que le désastre est probable, mais la métamorphose possible ! Je suis persuadé que le flot quotidien d’horreurs qui nous est déversé par les médias a pour objectif de nous affadir dans notre dignité et de nous faire accepter ce qui ne devrait pas. Au contraire, la beauté, l’émerveillement, l’élégance, la délicatesse, un zeste de folie et en prendre le risque, c’est comme les dauphins qui s’élancent hors de l’eau…
Et, dans ce volet : toujours garder à l’esprit notre finalité, viser haut ! Pour moi il s’agit de m’affranchir de tout esclavage ou conditionnement, de viser rien moins que la liberté, l’accomplissement de soi. J’avais ça à l’esprit en marchant dans le désert, au travers de ses dunes à perte de vue : en choisir pourtant une comme ligne de mire…
Maintenir vivant cet objectif oriente puissamment nos forces, nos talents, notre conscience, et même l’environnement. Ainsi fit Nelson Mandela qui passa 27 années en détention, avec la sublime réussite que l’on connaît (au moins provisoire).
Je m’aperçois sans m’en étonner qu’un des mots qui revient souvent sous ma plume est cultiver… Trace de mon origine paysanne ? Aveu de ma passion pour le jardinage ? Goût pour les paris de longue haleine ? C’est un verbe que j’aime bien accoler aux relations : qu’y a-t-il de plus changeant, de plus fragile, et aussi de plus profond, de plus beau, que les relations ? Les relations avec les autres humains, mais aussi avec soi-même, avec la nature et l’univers tout entier… Et la relation, c’est l’opposé de la fragmentation, de l’éclatement ; la relation reconstitue une unité, une globalité, comme un puzzle. Donc faire face à l’éclatement qui menace tant nos êtres que nos sociétés, c’est faire acte de résistance, d’affirmation de notre dignité, d’audace et de courage face à la barbarie qui guette. Etablir de la relation, c’est un geste d’amour qui tisse une vaste toile, c’est faciliter notre vie ensemble, humains et non-humains dans ce vaste univers…
C’est mon engagement, et celui de mes auteurs. La bonne nouvelle est qu’ils sont présents, à travers leurs livres et leurs pratiques, pour vous accompagner à notre époque. Et je vous garantis que le chemin en leur compagnie est fécond et souvent agréable aussi !
Yves MICHEL, éditeur du Souffle d’Or, 29 mars 2013
(1) : in Chronique d’une alliance, éd. Yves Michel, 2005.
(2) : in Danse la vie, éd. Le Souffle d’Or, 1990.
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